Bull’ Géopo’ n° 16 : du 29 juillet au 11 août 2024

De manière bimensuelle,  Diplomatis vous propose son Bull’ Géopo, un bulletin synthétique regroupant les principales informations qui se sont déroulées au sein des relations internationales, durant les deux semaines qui viennent de s’écouler.

Le chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, le 23 novembre 2019, à Rafah, dans la Bande de Gaza. (ABED RAHIM KHATIB/FLASH 90)

Un double assassinat plonge le proche-orient dans une nouvelle phase de tension. Le 30 juillet 2024, une frappe aérienne tue le commandant du Hezbollah Fouad Chokr . Ce dernier est notamment accusé, par Israël, d’une attaque à la roquette faisant douze morts, enfants et adolescents, sur le plateau du Golam. De plus, il serait soupçonné d’être l’un des cerveaux de l’attentat du 23 octobre 1983 où 200 marines américains trouvèrent la mort. Le lendemain, Ismaïl Haniyeh, chef politique du Hamas, décède dans une explosion à Téhéran. Sa présence en Iran étant corrélée à l’investiture du nouveau Président iranien Massoud Pezechkian (à la suite de la mort de son prédécesseur Ebrahim Raïssi dans un accident d’hélicoptère).  

Le Premier ministre libanais déclare que l’attaque comme « une série d’opérations agressives tuant des civils en violation claire et explicite du droit international ». Même si le ministre israélien de la Défense annonce que « nous ne voulons pas la guerre, mais nous nous préparons à toutes les éventualités »; Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, déclare que « nous sommes à l’orée d’une grande bataille. Nous avons dépassé le simple front de soutien. C’est une bataille ouverte sur tous les fronts ». Un changement clair de paradigme pour celui qui annonçait, le 3 novembre 2023, que le Hezbollah n’allait pas prendre part aux combats contre Israël. 

Les réactions relatives à la mort du chef politique du Hamas possèdent la même tonalité. Le guide suprême iranien, Ali Khamenei, promet un « châtiment sévère » à Israël car il est dans le devoir de l’Iran de « venger son sang ». De son côté, Israël se refuse à tout commentaire, tandis que le Président Biden se déclare préoccupé des conséquences de cet assassinat sur les tentatives de cessez-le-feu. Le Président Macron, par ailleurs, souhaiterait que le Président Pezechkian sorte d’une « logique de représailles » et à tout faire « pour éviter une nouvelle escalade militaire » au Proche-Orient.

Le Hamas a décidé de nommé, le 08 août 2024, Yahya Sinwar, considéré par les services de sécurité israéliens comme le cerveau des attaques du 07 octobre 2023, en tant que nouveau chef du bureau politique de l’organisation. Figure extrême, il dénote par rapport à la personnalité pragmatique de son prédécesseur (au coeur des différentes négociations pour les tentatives de cessez-le-feu ou de libération d’otages). En sous-texte, le Hamas semble vouloir envoyer un message de fermeté à l’encontre d’Israël, comme conséquence à l’assassinat d’Haniyeh.

Dans le même temps, Tsahal continue ses opérations dans la bande de Gaza. Après l’annonce de la mort de Mohammed Deif le 13 juillet, rendue publique par Israël le 01 Août, celle-ci est démentie par le Hamas. Comme Sinwar, suscité ici, il serait à l’origine des attaques du 07 octobre 2023. 

De multiples bombardements continuent à avoir lieu, notamment sur deux écoles, tuant 18 personnes. Ces évènements du 08 août se sont répétés le 10 août, où Israël bombarda l’école Al-Tabaeen, tuant 80 personnes (incluant des femmes et des enfants) et en blessant 47 autres. Concernant les premiers, comme le second bombardement, les forces armées israéliennes annoncent que les écoles abriteraient des postes de commandement du Hamas (avec la mort de 12 combattants de l’organisation dans l’école Al-Tabaeen).  

Assaut ukrainien en territoire russe.

Des camions militaires russes touchés par les forces ukrainiennes, dans la région de Koursk. (Anatoliy Zhdanov/Kommersant/Sipa)

Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, le territoire de la Russie est envahit par une armée étrangère (des missions sporadiques ont été mené par des milices russes anti-kremlin). En effet, le 06 août 2024, l’Ukraine lança une offensive pour investir l’oblast de Koursk. L’importance de cette attaque oblige les autorités russes à décréter l’état d’urgence dans la région, le 07 août 2024

La principale surprise provient de la facilité avec laquelle les ukrainiens ont pénétré le territoire russe (certainement aidé par le silence entourant la préparation de l’opération). Les principaux militaires russes opposés aux forces ukrainiennes sont des conscrit avec peu d’expérience au combat, ce qui pourrait entrainer une crise politique plus large. Car, Vladimir Poutine s’engagea publiquement, le 08 mars 2022, à ce que les conscrits ne participent pas aux opérations de combat

En l’espace de trois jours, l’Ukraine contrôle plus de 420 km². Plus de 1 000 militaires ukrainiens seraient engagés dans cette offensive visant une région représentant un important nœud ferroviaire pour la logistique russe. L’un des objectifs plausibles de cette offensive étant la volonté, de la part du commandement ukrainien, d’obliger les russes à dégarnir le front pour la défense du territoire, suite à cette incursion. 

Echange de prisonniers entre la Russie et l'Occident.

Le Président américain Joe Biden, entouré par des familles de prisonniers en Russie faisant partis de l'échange, à la Maison-Blanche, aux Etats-Unis, le 1er août 2024. (BRENDAN SMIALOWSKI/AFP)

Le jeudi 1er août 2024, l’échange de prisonniers, le plus important depuis la fin de l’ère soviétique s’est effectué. En effet, sur un aéroport en Turquie, seul pays agréé comme médiateur par le Kremlin, vingt-six personnes sont redevenus libres. Dix sont repartis en Russie. Principalement des espions et des criminels, ce contingent comporte, entre autre, en son sein : Vadim Krassikov, un espion russe coupable pour l’assassinat d’un ex-commandant tchétchène. Alexander Vinik, un informaticien à l’origine du blanchissement de plusieurs milliards de dollars issus d’activités criminels, ou encore Vadim Konochtchnok accusé d’avoir fournis des semi-conducteurs et munitions américaine à la Russie.   

Pour la partie revenant en occident, des journalistes et des militants des droits de l’Homme composent l’échange. Notamment le journaliste américain, du Wall Street Journal, Evan Gershkovich (arrêté au printemps 2023 et condamné à seize ans de prison, en juillet 2024, pour espionnage). Ainsi que l’ex-marine Paul Whelan, incarcéré en Russie pour le même motif que M. Gershkovich. De plus, nous pouvons noter la présence des opposants russes Illia Iachine, Oleg Orlov, Vladimir Kara-Mourza et de deux collaboratrices d’Alexei Navalny, mort en prison en début d’année, Lilia Tchanycheva et Ksenia Fadaïeva.  

Démission de la Première ministre, au Bangladesh, des suites de grandes manifestations.

Des manifestants s'attaquant à la statue de Sheikh Mujibur Rahman, le père fondateur du Bangladesh et père de la Première ministre Sheikh Hasina. (Abu SUFIAN JEWEL / AFP)

Une démission au prix de multiples émeutes. Le mouvement étudiant, lancé depuis le 5 juin 2024, a poussé la Première ministre Sheikh Hasina, en poste depuis le 06 août 2019, à démissionner et fuir en Inde. En effet, le 05 août 2024, Mme Hasina s’est enfuie en hélicoptère.  

La principale cause de mouvement estudiantin concerne l’accès aux emplois de la fonction publique, aux vétérans de la guerre d’indépendance et à leurs descendants. La conséquence, de la création de quotas, étant que cela favorise les membres de la Ligue Awani, parti politique au pouvoir (dont faisait partie l’ancienne Première ministre Sheikh Hasina). Dans une décision, du 05 juin 2024, la Cour suprême du Bangladesh revient sur l’abolition de ce système de quotas en 2018, pour réinstaurer un système de quota à hauteur de 30%, en faveurs des vétérans de la guerre d’indépendance et leurs descendants.

Les manifestations ont pris de plus en plus d’ampleur, et furent réprimés de plus en plus violemment. Le 18 juillet, les autorités ont décidé de couper internet dans l’ensemble du pays. A cela s’ajoute l’intervention de l’armée. Les 19 juillet et 04 août sont les journées les plus sanglantes, au cours de ce mouvement de protestation. Le 19 juillet comptabilise 62 personnes tuées, près de 700 personnes ont été blessées (incluant 104 policiers et 30 journalistes). Quant au 04 août, journée la plus sanglante, 97 personnes sont tuées. Le lendemain, 05 août, la Première ministre démissionne et prend la fuite.

Le prix Nobel de la paix, Mohammad Yunus, est intronisé conseiller principal du Bangladesh. Cette fonction correspond à celui d’un Premier ministre par intérim, pour une durée de 90 jours, dans une période transition. 

Refus de la victoire de l'opposition par Nicolàs Maduro.

Le Président Maduro, devant la presse, à la Cour suprême du Venezuela, le 9 août 2024. (MATHIAS DELACROIX / AP)

Les résultats tombés de l’élection présidentielle vénézuélienne du 28 juillet 2024, Nicolàs Maduro revendique la victoire; sur la base du Conseil National Electoral (CNE) ayant ratifié, le 02 août, 52% des voix en faveurs du Président sortant. Le CNE avance également être dans l’impossibilité de rendre public un décompte exact, et les procès-verbaux des bureaux de vote, à cause d’un pirate informatique. L’opposition, réunie derrière un unique candidat en la personne de Edmundo Gonzàlez Urrutia, se manifeste pour annoncer que le scrutin est manipulé par le régime en place. Les deux candidats estiment donc avoir remporté l’élection. M. Gonzàlez a déclaré que « les résultats ne peuvent être occultés. Le pays a choisi un changement pour la paix« . 

D’importants troubles ont suivi l’annonce de ces résultats. En un peu plus de deux semaines, 24 personnes seraient décédées, sur la base d’ONG de défenses des droits de l’Homme. De surcroit, le régime annonce l’arrestation de de plus de 2 200 personnes, avec le décès de deux policiers dans les manifestations. Une manifestation est également prévue pour le 17 août 2024 à l’appel de Maria Corina Machado, figure de l’opposition. Cette dernière étant accusée, par le Procureur général du Venezuela Tarek William Saab, de faire partie des personnes étant à l’origine du piratage du système électoral. Le but serait, d’après M. Saab, de falsifier les résultats. 

Les réactions internationales, sur la situation vénézuélienne, sont contrastées. Tout d’abord des Etats reconnaissent les résultats parmi lesquels : le Nicaragua, le Honduras, et la Bolivie, le Mexique et Cubas. De plus, la Chine et la Russie soutiennent Nicolàs Maduro. Dans l’autre sens, les Etat-Unis, ainsi que plusieurs pays de la région (Argentine, Uruguay, Equateur, Costa Rica, Panama), déclarent que M. Gonzàlez Urrutia a remporté l’élection présidentielle. La position française se joint celle brésilienne. En effet, le Président Macron déclare que « Nous soutenons avec le Président Lula l’aspiration du peuple vénézuélien à une élection transparente. Cette exigence est au cœur de toute démocratie ».